Eprouvé par les crises à répétition, Barack Obama a-t-ilchangé ? Que reste-t-il du candidat à la présidentielle de 2008 qui voulaitmettre un terme aux engagements américains en Afghanistan et en Irak pourentamer le pivotement de la stratégie américaine du Moyen-Orient vers l’Asie ?Le président démocrate a récemment confié qu’avec le temps, sa pensée avaitévolué. L’Amérique ne peut se retirer aussi aisément qu’il l’espérait d’unepoudrière où les crises se chevauchent et s’auto-alimentent. Barack Obama alonguement hésité avant d’annoncer au mois d’août une intervention armée contrel’Etat islamique en Irak. Il devait être le président du retrait, il devient leprésident du retour.
Mais si changement il y a, des constances demeurent.L’avancée fulgurante de Daesh ces trois derniers mois en Irak n’a pas modifiéles modes d’analyse présidentiels. Obama reste ce décideur lent, pointilleux,excessivement prudent, soucieux de l’étude de chacune des données du problème.Quitte à laisser se dégrader une situation avant que les conditions de sarésolution n’émergent. Dans un récent « briefing » autour d’experts et dejournalistes américains, rapporté par le New York Times, Barack Obama a reconnuqu’il se refusait d’agir dans la précipitation face à l’Etat islamique, quitteà en payer le prix politique au niveau national. Par-dessus tout, il redoute dese retrouver les mains liées par une crise dont l’issue lui échapperait. Face àDaesh, Washington a attendu que passent au vert deux éléments déterminants : lanature du gouvernement irakien et l’état de l’opinion publique américaine.
L'opinionaméricaine derrière lui
L’administration Obama n’a jamais mâché ses mots contrel’ex-premier ministre chiite Nouri Al Maliki, accusé d’attiser la rancœur dessunnites par une politique sectaire. Son remplacement, avec le soutien desIraniens, par Haïdar Al Abadi, le 11 août, a permis de laisser entrevoir unrelatif apaisement des tensions confessionnelles dans le pays. Aux Etats-Unis,ce sont les épouvantables images d’exécution des journalistes américains JamesFoley et Steven Sotloff, diffusées à deux semaines d’intervalle, qui ontrenversé l’opinion publique. Dans un sondage publié le 9 septembre, 71% desAméricains affirmaient désormais soutenir des frappes contre Daesh en Irak.Près d’un Américain sur deux juge également que le pays est davantage menacéaujourd’hui par un attentat terroriste qu’à la veille du 11 septembre 2001.
Une inquiétude jugée très exagérée par des spécialistessécuritaires qui rappellent que l’Etat islamique ne dispose pas à l’heureactuelle des capacités opérationnelles pour fomenter un attentat auxEtats-Unis. Les renseignements américains considèrent d’ailleurs toujours AlQaïda comme la menace terroriste numéro un pour les intérêts nationaux.
Eviter que l'Iran n'en profite
Washington a également en ligne demire le piège politique immense potentiellement accolé à la destruction deDaesh, un objectif qui de toute évidence prendra du temps : le renforcement desclivages entre sunnites et chiites. Lutter contre les sunnites de l’EI, c’esten effet du même coup renforcer le camp chiite, en Irak comme en Syrie. Legrand vainqueur de l’opération se nommerait l’Iran, qui comptait bien obtenirdes concessions sur le dossier nucléaire en échange de son appui contre legroupe d’Abou Bakr Al Baghdadi. Paris était favorable à une telle coopérationavec Téhéran. Une solution qu’a rejetée catégoriquement la Maison-Blanche,évoquant seulement un échange d’informations avec l’Iran.