Difficile de parler d’elle au passé. Nelly Hansson était si singulière dans sa personnalité et ses idées que sa disparition laisse aujourd’hui un vide immense associé à une profonde tristesse. Respectée pour sa stature morale et intellectuelle dans la communauté juive et partout ailleurs, elle était une femme libre, discrète et profondément raffinée. Tout au long de sa vie, elle avait tracé un chemin pour la transmission des savoirs, le soutien à la création et le développement de la culture juive. Elle avait dessiné son projet dans le cadre de la Fondation du judaïsme français qu’elle avait porté à un niveau d’excellence. Elle, qui aimait comparer la Fondation à un arbre, veillant toujours à ce que « les branches ne dessèchent pas le tronc », était un personnage clé du paysage juif d’après-guerre.
Incarnation de la tradition de philanthropie juive à la française
« Nelly appartenait à cette génération formée aux institutions juives par Adam Loss, Georges Levitte et André Wormser, aujourd’hui disparus, qui furent les artisans du renouveau intellectuel, moral et politique des années 70/80, comme le furent également Claude Kelman, Pierrot Kauffmann, Alain de Rothschild, Jacqueline Keller et Gaby Cohen », confie Raphaël Elmaleh, son ami et ancien collaborateur à la Fondation. En réalité, elle incarnait cette tradition de philanthropie juive à la française qui s’exprimait notamment par sa grande discrétion et ses relations avec la famille Rothschild depuis des décennies.
C’est d’ailleurs à la demande de David de Rothschild et d’Adam Loss qu’elle avait pris la direction de la Fondation en 1994, après plusieurs années passées à la Sofres aux côtés de Pierre Weill, rencontré par le biais d’Aymeric Deutsch. « J’ai accepté ce poste pour le côté très spécial, très original de la Fondation du judaïsme français », nous avait-elle confié. « Le fait de pouvoir travailler dans des domaines culturels était très important pour moi qui suis profondément convaincue du caractère, disons de civilisation, du judaïsme. J’avais conscience qu’il s’agissait d’un domaine qui permettait à la fois des audaces et des ouvertures ».
« Comme on disait en 1968, ça suffit ! »
A son départ, en juillet 2010, pas de regret. « La Fondation a été un long chapitre de ma vie, il s’achève aujourd’hui et c’est très bien ainsi. Seize ans quelque part, c’est beaucoup et comme on disait en 1968, ça suffit ! ». Le 15 juin 2011, l’historienne recevait les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur des mains d’Elisabeth de Fontenay au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme. Et de rappeler sa vision de la spécificité juive qui « ne prend sens qu’ancrée dans le socle de l’universalisme des Lumières et du progrès ». Soucieuse de laisser des « outils pour que les Juifs, dans un siècle, puissent construire leur identité à partir de ce que nous leur avons laissé », Nelly Hansson est partie discrètement dimanche dernier et elle a laissé ce qu’elle désirait plus que tout : des traces.