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02 Juin 2023 | 13, Sivan 5783 | Mise à jour le 04/08/2020 à 22h39

Rubrique Israël

Israël fait-il face à une troisième Intifada ?

Lundi, gare de Tel-Aviv. Un jeune soldat de Tsahal vient d’être poignardé. (Flash90)

Les événements de ces dernières semaines rappellent étrangement l'atmosphère qui avait précédé le déclenchement de la deuxième Intifada de l'automne 2000. Emeutes sur le Mont du Temple, recrudescence d'incidents dans les quartiers périphériques de Jérusalem,fébrilité des Arabes israéliens et premiers attentats. A une différence près : l'ingrédient religieux.

Comme il y a quatorze ans, les négociations de paix sont au point mort et la rhétorique palestinienne a ressorti tous ses poncifs anti-israéliens. Déjà au début de l'an 2000, dans les mosquées du Mont du Temple on se préparait à tenir un siège. Sauf que depuis, l'emprise de l'Autorité Palestinienne a sérieusement reculé, pour faire place à une agitation islamiste encouragée de l'extérieur par le chef de l'Autonomie et par le Hamas. Le bouillonnement extrémiste qui surgit des quartiers arabes de Jérusalem met en lumière une situation nouvelle. Celle d'une population arabe qui se considère hors de l'administration israélienne, mais aussi laissée pour compte par l'entité palestinienne.

Plus besoin d'un message politique sur l'Etat palestinien ; il suffit d'évoquer la menace juive sur Al Aqsa pour enflammer les jeunes Arabes, qui vont jeter des pierres et des bouteilles incendiaires ou tirer des fusées de feux d'artifice sur leurs voisins juifs ou sur les policiers. Ce n'est plus de la motivation idéologique, c'est de la haine à l'état pur. Celle qui conduit aussi un père de famille et militant du Hamas à prendre sa voiture pour foncer sur des Juifs à une station de tramway. Du côté des Arabes israéliens, le contexte est un peu différent. Dans les localités de Galilée ou du Néguev, les jeunes Arabes sont aussi exposés à la propagande qui circule sur les réseaux sociaux et qui mixe les revendications palestiniennes, la fascination de Daesh et l'embrigadement islamiste. Si la tension montait depuis le début des émeutes à Jérusalem, elle n'avait pourtant pas donné lieu à des manifestations de violence, jusqu'à la mort d'un habitant de Kfar Cana, abattu le 8 novembre par la police.


Empêcher la spirale de s'autoalimenter 

Les émeutes qui ont suivi la bavure policière de Kfar Cana ont été violentes mais limitées, en tout cas en termes de nombres d'acteurs impliqués. Ce sont à chaque fois quelques dizaines de jeunes Arabes, souvent des mineurs, qui ont pris pour cible les forces de l'ordre et transformé les routes proches de leurs villages en champ de bataille. Mais cela a suffi pour entraîner la tentative de lynchage d'un Israélien juif à l'entrée de Taïbeh, qui n'a dû son salut qu'au courage d'un habitant de la ville arabe, qui l'a extrait de sa voiture au moment où ses agresseurs y mettaient le feu. Le lendemain, c'est à Tel-Aviv qu'un soldat de Tsahal a été poignardé par un Palestinien et dans la même journée une jeune femme elle aussi assassinée près de l'implantation d'Alon Shvout. Toujours pas de mouvement de masse, mais une mèche qui continue de brûler en direction du baril de poudre.

En attendant de voir si la tendance se structure en véritable soulèvement, il faut empêcher la spirale de s'autoalimenter. Il y a le phénomène connu de l'émulation terroriste. Chaque attentat mené à son terme va en susciter d'autres. Pour cela, la police a relevé son niveau d'alerte sur tout le territoire israélien. Les forces de sécurité ont malheureusement l'expérience des confrontations précédentes et savent qu'elles doivent renforcer leur présence sur le terrain et faire fonctionner le renseignement pour prévenir d'autres attaques autant qu'il sera possible. Jusqu'à présent, les dirigeants israéliens se refusent à parler d'Intifada. Mais outre la montée de la violence en Israël et dans les Territoires, ce qui inquiète aussi c'est le soutien et la légitimation des attaques en provenance du chef du Hezbollah ou encore du président turc Tayyep Erdogan. Ces leaders islamistes ont en commun de présenter la situation comme une guerre religieuse et de justifier ainsi toute cible juive au nom d'une prétendue défense de l'islam.


L'ingrédient religieux 

Dans cette Intifada sans tête, tous les ennemis d'Israël alimentent le feu pour servir leurs propres intérêts, qui n'ont que très peu à voir avec la promotion de l'Etat palestinien. Ce qui distingue cette nouvelle vague de violence des précédentes, c'est l'ingrédient religieux, qui cette fois semble s'être incorporé au mélange. Ce n'est pas la première fois que l'enjeu des lieux saints est évoqué, mais c'est la première fois qu'il prend une telle importance. « Nous ne laisserons pas polluer nos lieux saints. Il faut en repousser les colons et les extrémistes de la mosquée Al Aqsa » affirme Mahmud Abbas, qui se déclare certain que « ni les musulmans ni les chrétiens n'admettront jamais les prétentions d'Israël sur Jérusalem » et accuse Israël d'entrainer le monde dans une « guerre de religions ».

En Israël, on est conscient du potentiel explosif du Mont du Temple. Le contexte régional a subi de profonds bouleversements, où la radicalisation islamiste tient une part non négligeable et qui se fait sentir jusque chez les Palestiniens. « Nous devons être préparés à une poursuite de l'escalade » reconnait le ministre israélien de la Défense, qui dénonce aussi le double jeu du chef de l'Autorité Palestinienne qui « d'un côté alimente les tensions à propos du Mont du Temple et de l'autre poursuit la coopération sécuritaire avec Israël ». Une coopération qui se traduit principalement par des arrestations massives de membres du Hamas et du Jihad islamique en Cisjordanie. Mais Moshe Yaalon appelle aussi tous ceux qui le peuvent, à calmer les tensions. Les dirigeants palestiniens, mais également les élus israéliens qui devraient eux aussi veiller à ne pas attiser les braises sur le Mont du Temple.

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