A première vue, tout a l’air normal. Les rues du centre de Jérusalem ont leur aspect habituel de milieu de semaine, avec les passants qui vaquent à leurs affaires, les voyageurs qui attendent aux arrêts de bus, les yeux dans le vide ou rivés sur l’écran de leur téléphone. Romy s’est rendue à son travail comme tous les jours. Trois quarts d’heure de bus pour rallier le centre-ville depuis le quartier nord de Pisgat Zeev. « Cela faisait longtemps que je n’avais plus vu de barrage de police à l’entrée des quartiers arabes. Ça me rappelle des mauvais souvenirs, mais on n’a pas trop le choix. Car ça ne fait que commencer » prédit la jeune femme, qui n’a pas oublié les années de plomb de la deuxième intifada.
Changer de file
Au lendemain de l’attentat de la synagogue de Har Nof qui a fait 5 victimes, les habitants de Jérusalem comprennent qu’un nouveau palier a été franchi. Comme au début des années 2000, ils se font à l’idée que la violence peut frapper n’importe où, n’importe quand. Ce matin, Esti a pris la voiture pour emmener ses enfants à l’école. « Je sais que cette fois, il n’y a pas de kamikazes dans les bus. Mais il suffit d’un fou avec un couteau. Et puis, je voulais voir si la mairie avait rajouté un garde armé à l’entrée de la maternelle où va mon petit dernier ». La maman de trois garçons avoue aussi que sur le trajet, elle a changé de file pour ne pas se retrouver devant le bulldozer qui sortait d’un chantier. « On ne sait jamais ».
Peur
Derrière la cuisine d’un restaurant, deux Arabes
en tenue de travail sont sortis griller une cigarette. Ils viennent de Bet
Tsafafa, dans le sud de Jérusalem. Jamal s’est fait contrôler deux fois sur le
trajet. Ça encore ça ne le dérange pas. Mais il ne sait pas s’il pourra revenir
demain. Son frère qui travaille dans un supermarché du quartier résidentiel de
Beit Vegan, a été renvoyé chez lui hier. « Les Juifs avaient peur. Mais
mon frère aussi » explique Jamal. Le malaise est silencieux, mais il
est partout.