Actualité Juive : Revenons, si vous le voulez bien, sur ce tragique vendredi 9 janvier. Comment, en tant que propriétaire du magasin, avez-vous vécu cet attentat ?
L. M. : Nous avons été prévenus par un appel téléphonique de l'un de nos salariés de la prise d’otages. Très vite, nous nous sommes mis à la disposition des forces de police, à qui nous avons remis les clés et les plans du magasin ainsi que l’accès aux caméras de sécurité. Nous avons ensuite vécu l'issue du drame comme tout le monde. Le choc fut terrible. À la sortie du chabbat, nous nous sommes rendus auprès des familles des victimes pour leur exprimer notre solidarité. Nous avons essayé d’accompagner les uns et les autres autant qu’ils nous ont permis de le faire tout en respectant l'intimité et la douleur des familles. Il n'y a pas de mots assez forts pour décrire la peine et le désarroi ressentis par la mort d'innocents.
A.J.: Comment, ensuite, se sont déroulées ces longues semaines pendant lesquelles le magasin est resté fermé ?
L.M. : Quelques jours après le drame, les forces de l’ordre - dont nous tenons à saluer le travail exceptionnel - nous ont redonné accès au magasin. Ce fut un moment extrêmement difficile et douloureux, y compris pour les personnes chargées de la rénovation, mais aussi un moment de grande solidarité de tous dans la volonté de continuer et de ne pas se résoudre à plier sous la terreur. Puis il a fallu avancer. C’est ce que nous avons fait, en reprenant possession des lieux et en décidant la réouverture du magasin.
A.J.: Avez-vous justement hésité à rouvrir cet Hypercacher ?
L.M. : Nous nous sommes demandé si, par respect pour les victimes, il ne valait pas mieux fermer définitivement ce magasin. Puis au contraire, nous nous sommes dit qu’avec cette réouverture nous allions dire aux terroristes que la vie sera toujours plus forte que la barbarie. C’est ce même message que nous a délivré Nir Barkat, le maire de Jérusalem lors de sa visite. Il nous a raconté que quelques heures après l’attentat de la synagogue de Har Nof, les offices reprenaient. Nous avons dès lors redoublé d'efforts pour accélérer les travaux et rouvrir le plus vite possible. Tout le monde a donné le meilleur pour permettre cette réouverture. Nous tenons à rendre un hommage particulier aux forces de police pour leur dévouement et leur efficacité et remercier le gouvernement et tous les élus de Paris pour leurs témoignages de solidarité et leur aide. Sans eux rien n'aurait été possible si rapidement.
"Un service d'ordre sera présent dans le magasin et à l'extérieur afin d'assurer la tranquillité et la sécurité de nos clients."
A.J.: De quelle manière avez-vous rénové ce magasin ?
L.M. : Nous avons pris le parti de changer radicalement son agencement, en y faisant entrer la lumière naturelle et en tentant de le rendre le plus agréable possible. Nous avons fait le choix de ne garder aucune trace de la tragédie. Plutôt que de sanctifier la mort, nous avons fait le choix d’y célébrer la vie. Pour autant, il est hors de question d'effacer ce qui s’est passé. Mais, comme après toutes les autres tragédies que le peuple juif a connues, il s’agit d’avancer et de continuer à vivre.
A.J.: Comment vont aujourd’hui le groupe Hypercacher et ses salariés ?
L.M. : Le groupe Hypercacher nous a été cédé par la famille Emsalem et particulièrement M. Michel Emsalem loué de tous, salariés, clients, fournisseurs. La famille Emsalem joue un rôle essentiel dans la communauté, notamment par la mise à disposition, depuis de nombreuses années, de viande cacher à des prix abordables porte de La Villette. Hypercacher est un des acteurs, autour desquels existe tout un écosystème qui permet à la communauté de consommer cacher. Notre priorité est de retisser encore plus les liens avec tous les partenaires présents dans l’alimentation cacher.
Quant aux salariés, ceux qui travaillaient dans le magasin de la porte de Vincennes ainsi que d’autres qui ont vécu l’attentat de près, nous avons souhaité leur laisser tout le temps nécessaire à la reconstruction. Nous les assurons de tout notre soutien et leur laissons l’entière liberté de reprendre ou non leur activité au moment de leur choix. À la réouverture du 15 mars, c’est une équipe nouvelle qui sera mise en place.
A.J.: Comment appréhendez-vous la réouverture, sachant qu’elle devrait susciter la venue d’un grand nombre de curieux ?
L.M. : Nous avons souhaité être accompagnés pour gérer cette réouverture. Un service d'ordre sera présent dans le magasin et à l'extérieur afin d'assurer la tranquillité et la sécurité de nos clients. Hypercacher fait partie du paysage de la communauté juive. Ce qui nous importe, c’est de rendre le magasin Hypercacher à sa clientèle, avec l'aide d'Hachem.