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26 Mars 2023 | 4, Nisan 5783 | Mise à jour le 04/08/2020 à 22h39

Rubrique Israël

Pour les nouveaux immigrants, résister à la peur «pour devenir de véritables Israéliens »

Policiers et services de secours après un attentat à Jérusalem le 12 octobre (Flash 90)

Le climat de terreur qui s’est établi en Israël depuis quelques semaines est, aux dires des récents émigrants, un passage initiatique pour devenir un véritable Israélien. Le témoignage d’un habitant de Tel-Aviv engagé.

« Les franco-israéliens qui sont là depuis environ 1 an – 1 ans 1/2 se retrouvent face à la réalité de la violence dans les quartiers qu’ils connaissent, les rues qu’ils connaissent. Le climat d’angoisse a augmenté. »  D’une voix posée qui ne rechigne pas à l’analyse, Rubin, qui préfère désormais être appelé Réouven (« un signe de ma transformation depuis mon Alyah », comme il aime à le dire), voit dans cette période des éléments pour appuyer sa construction identitaire d’Israélien. 37 ans, en Israël depuis décembre 2013, et une petite fille de 6 mois dans une crèche de la WIZO à Tel-Aviv, Réouven connaît l’inquiétude depuis qu’une autre crèche de la WIZO de sa ville a fait l’objet d’une tentative d’attaque.

 « Une employée Arabe a été contactée un soir en sortant. L’homme lui a dit de laisser la porte ouverte le lendemain matin pour qu’il puisse entrer et frapper dans la crèche. Heureusement, la femme a aussitôt appelé la police. On a eu très peur quand on a appris ça aux informations. »
« Bien sûr, on a du mal à se concentrer moi et ma femme ; on a maintenant tendance à imaginer le pire. On fait des calculs un peu morbides, par exemple : on réfléchit où est placée notre fille dans le Gan, et si un terroriste rentrait, est-ce que la police pourrait intervenir à temps. Ce style d’idées noires qu’on essaie de résoudre avec rationalité et imagination. »

 

Reste que concrètement, Réouven pense aux moyens de se défendre et de réagir s’il y avait une attaque.

 « Personnellement, j’ai demandé si le Taser était légal en Israël : on m’a dit que non. Mais une gazeuse au poivre : oui. Je veux en avoir une sur moi au cas où il faudrait vite réagir. On a aussi imaginé ne pas mettre notre fille à la crèche ces jours-ci. On en a parlé avec mon épouse. Quand on a appris ce qu’il s’était passé, on s’est dit qu’il fallait aller chercher notre fille directement. Du coup, on a appelé la directrice pour savoir s’il y avait un garde armé devant le Gan et si la porte est bien fermée. On nous a garanti que oui. »
« On est entré dans des craintes : une personne est musulmane, est-ce qu’elle ne pourrait pas basculer ? Ce n’est pas un fantasme, c’est ce qui arrive désormais. Un gars qui travaillait à Bezeq a bien complètement vrillé ce mardi. »

 

Comment garder la tête froide? 

Mais Réouven tente de garder la tête froide. « Les Israéliens nous disent de garder la tête haute, de continuer à être vigilant. Il y a un souffle de courage qui vient des habitués. » La situation est tout de même bien différente de ce qu’il a connu à l’été 2014.

« J’étais en Israël pendant bordure protectrice, sous les roquettes. Les alertes étaient énervantes, surtout à 2h du matin. Mais Dôme de Fer était magique : j’ai vu plusieurs fois les missiles se faire atomiser en plein ciel. A la fin, je ne descendais même plus aux abris. Là par contre, il n’y a pas de confort possible dans cette situation, on n’a aucune assurance. Heureusement, il y a des agents qui assurent la sécurité en civil dans des lieux publics et que Benjamin Netanyahou a demandé à ceux qui ont un port d’arme de sortir armés. Un terroriste qui passe à l’action a plus de chances de se faire tuer. »

 Politiquement, la société israélienne change aussi. « Dans le stress des six attentats d’aujourd’hui (NDLR, mardi), j’ai retrouvé un ami qui a dit : je vais virer à droite ! Il y a une attraction sécuritaire, mais rationnellement, même si on ne voit pas comment on pourrait régler le problème en étant plus radical. On laisse aller notre imaginaire à savoir  comment sécuriser. »

Réouven a découvert surtout qu’il y a « un décalage entre le fait d’être juif de France et être juif en Israël. L’identité prend une toute autre ampleur. Cette terre nous demande plus de choses, plus de courage, plus d’engagement. Elle nous demande de faire face à de nouvelles réalités. Quand on est juifs de France, on se retranche derrière la République et la police en disant : je suis un bon citoyen, laïc. En Israël, c’est le chemin inverse qu’il faut faire : aller vers plus de courage, d’affirmation, de force, et cette idée me dit que plus que jamais je veux rester en Israël et faire le chemin pour devenir un véritable Israélien. »

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