«Jacob était resté seul, un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aube. Voyant qu’il ne pouvait le vaincre, il le toucha à la hanche et la hanche de Jacob se luxa , tandis qu’il luttait avec lui.Il dit : «Laisse-moi partir , l’aube est venue». Il répondit : « Je ne laisserai pas que tu m’aies béni». il lui dit alors : «Quel est ton nom ?»; Il répondit : «Jacob». Il répondit : Jacob ne sera plus ton nom , mais bien Israël , car tu as lutté avec D. et avec des hommes et tu as triomphé.» (Genèse ch.32 , v.25-29).
Un homme lutta avec Jacob . Un homme? Un ange ?
La suite du texte ne semble pas laisser
subsister le doute. En effet, à l’issue du combat ,Jacob dira : « Parce que
j’ai vu (un ange) de D. face à face» (id v.30).
L’homme qui lutta avec Jacob est bien une
créature céleste, et la lutte de Jacob est bien un combat, un face à face avec
une entité spirituelle. Que ce face à face se soit produit dans un rêve ou une
vision nocturne comme le soutient
Maïmonide (Guide des Egarés, 2e partie , ch.42) , ou que la créature céleste
lui soit apparu comme une créature de chair et de sang avec laquelle il aurait
effectivement lutté , dans un vrai corps à corps , comme le soutient
Na’manide ainsi que la majorité des commentateurs.
Dans un cas comme dans l’autre, l’enjeu
de la lutte est d’ordre spirituel et engage les forces morales.
Rachi suit le Midrach Rabba (33,10) quand
il indique que l’homme avec lequel combat Jacob est le Prince céleste d’Esaü.
Pour Rachi cette interprétation s’inscrit parfaitement dans la littéralité du
texte. En effet Jacob ne dira-t-il pas un peu plus tard, s’adressant à son
frère Esaü : « puisqu’aussi bien j’ai regardé ta face comme on regarde la face
d’Elohim» (id 33, 10).
Qu’est donc cette entité désignée par le Midrach comme «Prince céleste
d’Esaü» ?
Ne’hama
Leibowitz sur le commentaire de
laquelle nous nous appuyons pour déployer cette étude (Etudes sur le livre de
Berechit / en hébreu) nous renvoie à N. Kro’hmal (dans Moré Nevou’hé hazman),
qui explique le prince céleste d’Esaû, comme les princes célestes , ou anges
gardiens des nations , dont il est question dans la Tradition rabbinique, sont
à entendre comme le génie propre attaché à chaque nation .
C’est ainsi que Jacob, à la veille de
rencontrer son frère Esaü va entamer un
rude combat avec le génie d’Esaü. L’enjeu est de taille pour Jacob :
s’approprier de manière pleinement légitime la bénédiction autrefois usurpée
par la ruse à Esaü. Il ne laissera repartir l’ange avant que ce dernier ne le bénisse. Dans
cette lutte il démontre sa supériorité morale et spirituelle sur Esaü, et donc
sa légitimité à recevoir la bénédiction initialement destinée à son aîné Esaü, par leur père Isaac.
Rude combat d’où il ressort vainqueur , mais blessé et
claudiquant .
Mais après cette directe et longue confrontation
avec l’ange d’Esaû, il est désormais prêt à rencontrer Esau : il a démontré que
la bénédiction lui revenait de droit.
«Il ne sera plus dit que tu as obtenu ces bénédictions par ruse et supplantation, mais en toute dignité et ouvertement .» (Rachi Gen. 32,29).