Default profile photo

02 Avril 2023 | 11, Nisan 5783 | Mise à jour le 04/08/2020 à 22h39

Rubrique Israël

Michel Gurfinkiel : « Pour l’instant, aucune comparaison avec le terrorisme palestinien de 2002 »

Crédit DR

Pour le président de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, les responsables israéliens disposent d’une panoplie d’outils qui leur ont permis jusqu’ici de limiter la portée des attaques palestiniennes.

Actualité Juive : Quelle analyse faites-vous de la situation sécuritaire en Israël, deux mois après le début de la dernière vague de violence palestinienne ? 

Michel Gurfinkiel : Les Israéliens sont confrontés de manière permanente à des attaques analogues à celles que la France a subies le 13 novembre. Ils ont donc réfléchi depuis longtemps aux moyens de se protéger contre ce type de guerre, et su mettre en place des structures relativement efficaces, que chacun, en France, ne peut que donner en exemple depuis le mois dernier. 

Afin de contrôler en amont la circulation éventuelle de terroristes venus des Territoires palestiniens ou de pays voisins, les Israéliens ont commencé par ériger des barrières de sécurité. Vous savez à quelles critiques elles ont donné lieu et les comparaisons qu’elles ont suscitées, tantôt avec le mur de Berlin, tantôt avec l’apartheid sud-africain. Mais quand la France suspend les accords de Schengen et rétablit le contrôle frontalier, elle fait exactement la même chose, à son niveau et à son échelle. Dans la même logique, les Israéliens ont multiplié les contrôles systématiques dans les lieux publics, tels que centres commerciaux, aéroports, gares routières, axes routiers, bâtiments administratifs, etc. Ils se sont ensuite dotés de moyens d’intervention ultra-rapide en cas d’agressions : surveillance par drones, déploiement d’unités mobiles comme les gardes-frontières 

(« Mishmar Hagvoul »), l’équivalent local, en plus aguerri, de la gendarmerie française. On peut compter enfin sur la mobilisation citoyenne. Beaucoup d’Israéliens font partie des forces de réserve ou de forces auxiliaires de l’armée. A ce titre, ils ont reçu un entraînement et disposent d’armes. Ces différentes mesures ne préviennent pas absolument le terrorisme, mais elles permettent de limiter les effets des opérations terroristes.


A.J. : Les autorités israéliennes se trouvent-elles devant une forme d’impasse face à une violence difficile  à anticiper ? 

M. G. : Ce n’est pas vraiment une impasse, une situation sans issue, mais plutôt une problématique très complexe, où il faut savoir doser les réactions et s’adapter sans cesse. Il n’est parfois pas utile de frapper trop fort un adversaire, parce que cela pourrait favoriser un autre adversaire tout aussi dangereux. Les terroristes qui agissent actuellement en Israël sont liés aux grandes organisations palestiniennes, aussi bien le Hamas de Gaza que l’Autorité palestinienne – c’est-à-dire, en fait, le Fatah - de Cisjordanie, mais aussi au Hezbollah libanais ou à l’Etat islamique. Les Israéliens savent que l’Autorité palestinienne joue double jeu, qu’elle incite à la violence d’un côté tout en coopérant avec leurs forces de sécurité d’un autre côté, notamment contre des réseaux qui pourraient se retourner contre elle. Ils prennent cette ambivalence comme un fait. Toute la question est de savoir jusqu’où elle peut aller, et si, passé un certain point, ce qu’on perd à ce jeu ne dépasse pas ce qu’on y gagne.


A.J.: Et le Hamas ? 

M. G. : Le Hamas est confronté à d’énormes difficultés, notamment du fait de la méfiance de l’Egypte à son égard et de la concurrence de forces islamistes rivales qui se réclament de l’Etat islamique. Le Hamas joue lui aussi un double jeu, dans un registre plus restreint que l’Autorité palestinienne. Lui aussi incite au terrorisme d’un côté et coopère avec les Israéliens d’un autre côté, parce qu’il n’a guère le choix. 


A.J.: Une intervention militaire de Tsahal en profondeur en Judée-Samarie vous semble-t-elle souhaitable ? 

M. G. : C’est le scénario de l’opération « Rempart » mené par Ariel Sharon en 2002. La situation que l’on connaît aujourd’hui est bien sûre très dure : on compte de nombreuses victimes, un climat de tension s’est instauré. Mais on ne peut faire aucune comparaison avec la situation d’il y a treize ans : à l’époque, les attentats suicides étaient quasi-quotidiens, le nombre de victimes extrêmement élevé ; frapper l’ennemi sur son territoire était donc devenu une nécessité vitale. Pour autant, l’option « Rempart II » existe : si les Israéliens ont le sentiment que la situation s’aggrave et qu’ils n’obtiennent pas de réactions suffisantes des responsables palestiniens, ils devront intervenir – et donc s’y préparent. 

Powered by Edreams Factory