Son premier Israël était affublé d’un « z ». Fin des années 1960. Manuel Valls et sa famille logent dans le Marais. Au cœur du Pletzel, le jeune écolier découvre le Proche-Orient. Dans une épicerie. « Izraël », cette supérette qui importe des produits israéliens est installée juste en face de l’école maternelle. « La seule boutique bobo que fréquentait mon père » confiera-t-il plus tard à ses biographes, Jacques Hennen et Gilles Verdez (“Valls, les secrets d’un destin”, éditions du Moment, 2013).
Manuel Valls et Israël, une longue histoire ? « Il connaît le pays depuis trente ans » nous assure, depuis Jérusalem, le député de Seine-Saint-Denis, Pascal Popelin. Pour le président du groupe d’amitié parlementaire France-Israël et proche du Premier ministre, « il a été reçu avec bienveillance car ses hôtes savent qu’ils ont affaire à un ami qui ne tient pas de discours à géométrie variable ».
D’une rare constance sur les questions de politique intérieure depuis le début de sa carrière politique, la trajectoire vallsienne s’est révélée plus irrégulière dans le dossier israélo-palestinien. Qu’il est loin le Valls qui, dans un discours à la Mutualité en 2002, appelait les « Parlements et les gouvernements à suspendre l’accord d’association Union européenne-Israël » ! Qu’il semble étranger au locataire de Matignon celui qui regrettait, en 2006, d’être le témoin d’« une phase de négation des droits et de la culture du peuple palestinien » !
C’est à Evry, dont il devient l’édile en 2001, que ses convictions s’affinent et s’affichent. La ville d’Essonne a signé deux ans plus tôt un accord de jumelage avec le camp de réfugiés de Khan Younès, dans la bande de Gaza. Valls soutient dans “La laïcité en face” (Desclée de Brouwer, 2005) le « règlement du problème palestinien sur une base juste et durable ». Condamne « l’édification d’un mur honteux ». Avant d’opérer progressivement un recentrage, alors que sa popularité dépasse désormais les frontières du 91. La municipalité s’engage en 2009 dans un projet de jumelage avec une ville israélienne, interrompt son soutien aux « Six Heures pour la Palestine », organisées jusqu’ici annuellement dans ses murs, et coupe l’année suivante la subvention annuelle de 2000 euros versée à l’association « Evry-Palestine ». En 2010, Valls accélère : il figure parmi les signataires d’une tribune parue dans Le Monde, intitulée « Le boycott d’Israël est une arme indigne ».
« Un vrai ami d’Israël »
« Dans ses discours, Manuel Valls critiquait le déséquilibre de la politique française sur le conflit israélo-palestinien » se souvient Jérémy Sebbane, ancienne plume du maire d’Evry, entre 2009 et 2011. Le député socialiste s’opposera ainsi, en septembre 2011, à la reconnaissance par l’Onu d’un Etat palestinien. « Il pointait également du doigt la “ligne Aubry”, en retard selon lui sur les questions de sécurité, mais aussi sur le nouvel antisémitisme ».
L’antisémitisme, « le combat d’une vie », comme il le dit joliment. « Son action et ses déclarations ont contribué au fait que moins de Juifs quittent la France » note Joël Mergui, le président du Consistoire central. « On s’est souvenu lundi, au cimetière de Guivat Shaoul, que je l’avais invité pour représenter le PS, le 18 mars 2012 au congrès des communautés juives. C’était la veille de l’attaque contre l’école Ozar Hatorah de Toulouse. Et c’est Samuel Sandler qui représentait la communauté de Versailles… ».
La mutation de l’antisémitisme contemporain sous la forme d’un antisionisme radical s’est-elle traduite par une inflexion majeure du regard de Valls sur Israël ? « En déclarant que l’antisionisme est synonyme d’antisémitisme, il a suscité le débat mais la réalité est celle-là aujourd’hui », analyse pour Actualité Juive Pascal Popelin. « Cela ne veut pas dire pour autant qu’il se revendique sioniste » tempère le député.
« Par ma femme, je suis lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël » avait lancé Manuel Valls devant les auditeurs de Radio Judaïca, à Strasbourg, en 2011. Même s’il assure toujours que « la colonisation doit cesser », rares sont ceux qui doutent désormais que l’ancien enfant du Marais soit « un vrai ami d’Israël ». Et cela en dépit de divergences. « Je lui ai demandé de s’arrêter au Kotel. Cela aurait été un geste fort après la faute grave de la France à l’Unesco » livre M. Mergui. « Je n’ai pas réussi à le convaincre ».
Valls, Israël et les Palestiniens
Par Steve Nadjar Le 26/05/2016 à 17h42 Rubrique France/Politique

Enquête sur le parcours de l’ancien maire d’Evry sur le terrain miné du conflit israélo-palestinien.
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