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27 Septembre 2023 | 12, Tishri 5784 | Mise à jour le 04/08/2020 à 22h39

Rubrique Judaïsme

Parachath Rééh : Une seconde Thora

Crédit DR

Cette semaine, nous découvrirons dans notre paracha un cas unique dans toute la Thora : le texte nous apprend l’une des 613 mitzvoth…sans nous la mentionner ! Cette incohérence nous donnera l’occasion de réfléchir à l’un des fondements denotre Tradition.

De quoi s’agit-il ? Le verset 21 au chap. 12 de notre paracha nous apprend que l’on ne pourra égorger et consommer de la viande que de la façon qui a été ordonnée à Moché. Or, il n’est fait mention nulle part de cet ordre, s’étonne Rachi. Et le commentateur de répondre aussitôt que cela nous apprend que Moché a reçu sur le mont Sinaï les lois concernant l’abattage rituel des animaux, des lois qui ne sont pas écrites dans la Thora. C’est de ce texte que nos Maîtres prouvent l’existence de la Loi orale. Expliquons-nous.

De Maître à élève

On parle généralement de « la Thora », comme une Tradition transmise par D.ieu à Moché. Or, si l’on doit être précis, cette affirmation n’est pas tout à fait exacte. Sur le mont Sinaï, Moché a reçu deux « Thora ». La Loi écrite et la Loi orale. La première est celle qui est écrite sur du parchemin et qui constitue les cinq premiers Livres de la Bible depuis la création du monde jusqu’à la mort de Moché. Elle porte le nom de
« Thora écrite » parce que l’écriture garantit son caractère immuable : depuis qu’elle fut donnée par D.ieu sur le mont Sinaï, son contenu n’a pas changé. La seconde Thora est appelée « Loi orale » parce sa transmission se fait oralement de Maître à élève depuis Moché jusqu’à aujourd’hui. Quel est le contenu de cette loi orale. Il s’agit en fait de l’explication pratique de la loi énoncée dans la Thora écrite. Prenons deux exemples qui peuvent s’appliquer aux 613 commandements : les Téphilines sont une mitzva donnée dans la Loi écrite mais son énoncé est très général. Il faut attacher des paroles sur le bras et entre les yeux, une directive loin d’être claire ! Mais c’est la Loi orale qui nous donnera les milliers de détails d’application de cette loi. Le second exemple est celui concernant la séparation du lait et de la viande. Le verset de référence de cette loi nous demande de « ne pas cuire le veau dans le lait de sa mère ». Là aussi, ce texte ne nous renvoie à rien de précis. Mais c’est sans compter sur la Loi orale qui nous fournira les contours précis pour appliquer concrètement cette séparation (1).

Sous le poids de l’exil

Comment devons-nous expliquer la nécessité de diviser la Thora en deux parties, l’une étant fixe et l’autre étant plus explicite et plus riche ? Le texte de la Thora est la sagesse divine habillée dans des mots et des situations historiques. C’est l’expression de l’Infini écrite dans un monde fini et limité. De ce fait, ce qu’elle nous décrit est obscur et inaccessible à l’intelligence humaine. Mais cette dimension élevée est nécessaire pour nous rappeler en permanence la grandeur infinie du Créateur que l’on pourrait oublier et réduire la Thora à un simple héritage culturel. Toutefois, D.ieu désire que cette Loi écrite puisse s’intégrer au monde et fasse partie du quotidien intellectuel de l’homme. C’est la raison d’être de la Loi orale qui comme son nom l’indique, permet l’échange entre maître et élève, le mouvement des idées et la capacité d’adaptation en fonction des situations variées de l’existence. Ainsi, par exemple, quand la Loi écrite impose le chabbath, la Loi orale l’adaptera en fonction d’un malade, d’un enfant ou d’une difficulté passagère. Et ainsi pour les 613 commandements. Cette Loi orale fut transmise de génération en génération durant près de 1500 ans jusqu’à ce que Rabbi Yéhouda hanassi, entouré de nombreux Maîtres, en fasse une tradition écrite qui sera la Michna (2). Il constata, en effet, que sous le poids de l’exil, des persécutions et de la dispersion, cette tradition orale pouvait se perdre. Il la consigna alors, par écrit mais elle garda tout au long de l’histoire sa souplesse pour que les Grands du judaïsme puisse la faire vivre sous la forme de la Hala’ha, la loi juive. En se rappelant, cependant deux paramètres incontournables : seuls des Grands, inspirés par D.ieu, peuvent aménager la loi et personne d’autre n’est à même de décider ce qui sera permis ou interdit. Et plus encore : si Moché reçut la Loi écrite et la Loi orale dans le même temps c’est pour nous rappeler que ces deux traditions sont indissociables l’une de l’autre. Ainsi  la plus petite coutume rapportée dans le Talmud aura la même valeur que le plus grand commandement de la Loi écrite.

Notes
(1)  Il en sera de même pour les lois de la Ché’hita, l’abattage rituel.
(2) Vers l’an 200 ans de notre ère.

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