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27 Septembre 2023 | 12, Tishri 5784 | Mise à jour le 04/08/2020 à 22h39

Rubrique France/Politique

INFO ACTU J

Nouvelle sortie de route de François Fillon sur l'abattage rituel: « Je suis favorable à l’étourdissement avant abattage »

L'interview suscite l'interrogation des responsables communautaires juifs (DR).

Actualité juive a remis la main sur un entretien accordé à l’automne par le candidat Les Républicains à une revue agricole. Il y exprime son soutien à « l’étourdissement avant abattage », remettant en cause implicitement le maintien des dérogations accordées aux rites juif et musulman.

C’est une interview étonnamment passée inaperçue. Le 23 novembre dernier, François Fillon, alors favori du second tour de la primaire de la droite et du centre qui l’oppose à Alain Juppé, accorde une interview à la revue hebdomadaire « La France Agricole ». Traditionnellement classé à droite, l’électorat agricole, qui représente environ 8% du corps électoral national, est marqué depuis 2002 par la progression en son sein des idées du Front national. Selon les politologues Eddy Fougier et Jérôme Fourquet, auteurs d’une récente note sur « Le Front national en campagnes. Les agriculteurs et le vote FN », publiée par la Fondation pour l’innovation politique, Marine Le Pen pourrait même y effectuer lors de la prochaine présidentielle « une nouvelle percée spectaculaire ». C’est à ce public en proie à un malaise identitaire et économique que s’adresse le candidat Fillon. Il y confie son goût pour la viande (« je la mange et la cuisine ! », assure-t-il), insiste sur le rôle « stratégique » que revêt à ses yeux le secteur agricole dans la France qu’il ambitionne de présider. Des positions assez classiques à droite.

La fin de l’entretien attire davantage l’attention. Invité à livrer son regard sur le « statut de l’animal », François Fillon détaille sa conception du respect de la dignité des bêtes.  « Je veux réfléchir avec les producteurs agricoles, les industriels et les associations de protection animale sur des modalités précises pour s’assurer que les animaux soient élevés et mis à mort dans des conditions dignes », avance le député de Paris. « Je suis favorable à l’étourdissement avant abattage. Les lois de la République doivent s’appliquer avant les consignes religieuses ». Cherchant à circonscrire son propos à la question du rite hallal, il précise. « J’observe d’ailleurs qu’en Jordanie l’abattage rituel autorise l’étourdissement. Nous sommes donc, sur ce sujet aussi, dans un débat sur des symboles ».


La "surprise" des responsables communautaires juifs

La remarque ne soulève aucune réaction, ne déclenche aucune dépêche d’agence de presse. De fait, elle semble être passée sous les radars des principaux observateurs de la question. L’actualité du 23 novembre pourrait expliquer ce silence. Dans la matinée, Jean-Pierre Elkabbach reçoit M. Fillon au micro d’Europe 1. Ce dernier revisite à sa manière l’histoire des Juifs en France, en marge d’une réflexion sur le radicalisme musulman. « Les intégristes sont en train de prendre en otage la communauté musulmane, il faut combattre cet intégrisme. Comme d’ailleurs dans le passé, on a combattu une forme d’intégrisme catholique. Comme on a combattu la volonté des juifs de vivre dans une communauté qui ne respectait pas toutes les règles de la République française ». La petite phrase conduira plusieurs responsables communautaires juifs à demander des explications au candidat Les Républicains.

Cette semaine, c’est l’interview à La France agricole qui suscite, au minimum, l’interrogation des intéressés. « J’ai été plus que surpris par ces propos auxquels nous n’avions pas eu connaissance jusqu’ici » indique à Actualité juive le grand rabbin de France, Haïm Korsia. « J’ai profité de l’occasion qui m‘était offerte lundi 27 février lors de la remise des insignes de la légion d’honneur au grand rabbin Bruno Fiszon pour interpeller le président du Sénat, Gérard Larcher, qui l’a décoré au nom de la République, et qui est un proche de François Fillon » poursuit le grand rabbin. « Je lui ai rappelé l’importance que la République attache à la laïcité et au libre exercice des cultes, et donc la nécessité de préserver l’abattage rituel. Gérard Larcher, qui nous  a toujours soutenu pour la préservation de la ché’hita, m’a assuré qu’il ferait part de mes inquiétudes à François Fillon ».

Jamais jusqu’ici l’ancien premier ministre n’avait tenu des propos de cette teneur sur l’abattage rituel, question devenue un enjeu politique sur fond de débats sur la souffrance animale et la progression du communautarisme musulman. L’interview à « La France agricole » ne s’inscrit pas néanmoins sur un terrain parfaitement vierge.  En mars 2012, une première sortie de M. Fillon avait suscité la polémique. « Les religions devraient réfléchir au maintien de traditions qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’état aujourd’hui de la science, l’état de la technologie, les problèmes de santé » avait-il affirmé, précisant s’exprimant « à titre personnel » et non comme chef du gouvernement de Nicolas Sarkozy.


Pas de réaction dans l'équipe Fillon

Le président des Consistoires, Joël Mergui, s’étonne également de la prise de position de François Fillon avec lequel il a travaillé dans le passé en vue de la rédaction d’un décret sur le sujet. Celui-ci, paru au Journal officiel le 28 décembre 2011, fixe « les conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux ». « L’intelligence de ce décret est d’avoir permis la conciliation des lois de la République avec les exigences religieuses, à savoir le rite casher et hallal » explique à Actualité juive M. Mergui. « Je ne pense pas que François Fillon reviendra sur un décret émis sous sa mandature et qui est fondamental pour les cultes juif et musulman. Il fait partie des lois de la République ». Rappelant que l’abattage rituel juif « n’est pas source d’une souffrance animale supérieure aux autres modes d’abattage », Joël Mergui émet le vœu « qu’aucun candidat à l’élection présidentielle ne reviendra sur un acquis qui a permis  d’apaiser les tensions sur ce sujet ».

Sollicitée par Actualité juive, l’équipe de François Fillon n’avait pas encore réagi mardi soir, au moment où nous mettions sous presse, à ces révélations qui pourraient peser dans la réflexion des électeurs concernés par la préservation d’un droit républicain.

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