Lucie Sarah Halimi, tuée dans la nuit de lundi 3 au mardi 4 avril, à son domicile, dans le 11e arrondissement de Paris, a été inhumée jeudi matin au cimetière de Guivat Shaoul. La levée du corps de la victime avait eu lieu, la veille, en présence de dirigeants de la communauté juive : le grand rabbin de France Haïm Korsia, le président du Consistoire Joël Mergui, ainsi que les responsables de la communauté orthodoxe Yad Mordehai, les rabbins Itshak Katz et Mordehai Rottenberg. Mme Halimi avait travaillé au sein de cette institution, située dans le 4e arrondissement.
« Le Grand Rabbin Haïm Korsia et le Président du Consistoire Joël Mergui ont tout fait et obtenu que le corps de Mme Halimi ZAL soit rendu à sa famille et qu’elle puisse être inhumée aussitôt » a indiqué, sur Facebook, le Service de protection de la communauté juive.
Contacté par Actualité juive, Joël Mergui relève que « le procureur François Molins a été d’une rapidité remarquable pour rendre le corps à la famille dès le lendemain de l’examen du corps ». « Les autorités ont compris la volonté de la famille de procéder à l’enterrement de Mme Halimi avant le chabbat et la fête de Pessah », abonde Yaël Hirschhorn. La conseillère en communication du grand rabbin de France met en avant l’activisme des grands rabbins Claude Maman, en charge de la Hevra Kaddisha, et Moché Lewin, aumônier des aéroports de Paris, qui a « aux côtés de la famille jusqu’à son embarquement dans l’avion pour Tel-Aviv, mercredi soir ».
« Il voulait passer la nuit chez moi »
Des mystères persistent sur les circonstances exactes de l’assassinat.
Le profil de l’auteur présumé du crime, un homme de 27 ans, continue
d’intriguer les services de police. Placé en garde à vue mardi, il a été
hospitalisé d’office, le lendemain, à l’infirmerie psychiatrique de la
préfecture de police. Connu défavorablement par les services de police, le
tueur présumé serait un « délinquant multicartes », notamment actif
dans le trafic de stupéfiants. Résidant lui-même avec sa famille au 2e
étage de l’immeuble situé rue de Vaucouleurs, l’homme se rend, lundi soir, à
l’étage du dessus, où vit seul, Lucie Halimi. Il est bientôt 4 heures du matin.
Des versions divergent sur les moyens
que le tueur aurait empruntés pour accéder à l’appartement de la victime
(porte, fenêtre). Sortie de son réveil, la victime, 66 ans, est défenestrée.
Son corps sans vie sera retrouvé par la police une demi-heure plus tard, au
pied du bâtiment.
« Mon petit garçon est traumatisée ». Monsieur T. habite dans le même complexe que Lucie Halimi, géré par Paris Habitat. L’entrée de sa résidence se trouve au numéro 26 de la rue de Vaucouleurs, celle de la victime au 30. « Je la connaissais de vue », confie-t-il à Actualité juive. Cette même nuit, Monsieur T. va lui aussi être réveillé par une sonnerie. Il est 4h30 environ et son voisin, le tueur présumé, lui demande « gentiment » d’entrer chez lui. « Il voulait passer la nuit chez moi. Quand j’ai refusé, il a commencé à devenir agressif ». Il décrit un jeune homme qui traîne souvent avec un de ses copains, dans la rue Louis-Bonnet, à moins de deux-cents mètres de la résidence. « Je connaissais bien son père. Il est mort en 1998. Il vit désormais avec sa mère et son beau-père. Ce ne sont pas des gens chez qui je vais » assure-t-il.
Devant l’insistance du jeune homme qui est parvenu à entrer dans l’appartement, Monsieur T., « effrayé », hésite à utiliser la force. Sa femme le convainc d’appeler la police. « C’est ma fille qui a passé le coup de téléphone. A ce moment-là, il n’y avait aucun policier dans la rue ». Quand ils arrivent quelques minutes plus tard, les agents l’informent du drame qui vient de se produire quelques pas plus loin. « Ils m’ont demandé si j’étais au courant qu’une femme asiatique avait été défenestrée cette nuit ». Nous lui faisons répéter. Il confirme. « Oui, ils m’ont bien parlé d’une femme asiatique ».
Antisémitisme
La question du mobile du crime demeure toujours, jeudi après-midi, une source d’interrogations, pour les pouvoirs publics comme pour les responsables communautaires, interpellés sur la Toile par des personnes de confession juive bouleversés par l’événement. Le tueur présumé aurait-t-il prononcé « Allah Akhbar » au moment de l’agression, une thèse largement diffusée ces dernières heures sur les réseaux sociaux ? « Nous ne sommes pas en mesure de confirmer cela. Nous n’avons pas d’informations sur le fait que le tueur présumé aurait justifié son crime par le Coran », explique Yaël Hirschhorn, qui regrette néanmoins l’emballement sur Facebook alors que « le temps de l’enquête est par nature différent de celui des réseaux sociaux ». « A la différence de Pantin, où nos services ont rapidement informé qu’il s’agissait d’un accident, nous sommes aujourd’hui clairement dans l’incertitude sur ce qui s’est passé lundi soir ». « Rien ne permet de retenir le caractère antisémite à ce moment, selon le Procureur de Paris », précise de son côté le Conseil représentatif des institutions juives (CRIF), dans un communiqué publié jeudi midi sur sa page Facebook. L'organisation dément également, en s'appuyant sur les éléments de la Préfecture de Police, l'hypothèse d'une radicalisation de l'auteur présumé des faits tout comme la rumeur selon laquelle la victime aurait été poignardée à « coups de couteau » dans sa chambre à coucher. « C'est FAUX » martèle le CRIF.
Le Consistoire central mène, depuis mardi, des discussions avec le bureau du premier ministre, le ministre de l’intérieur et le commissaire du 11e arrondissement. « J’ai un devoir de vérité par rapport à ma communauté », défend M. Mergui. « J’ai demandé à mes interlocuteurs que les éléments d’enquête soient le plus rapidement connus pour informer la famille de la victime et l’ensemble de la communauté juive qui connaît un émoi légitime devant ce crime ».
Un rassemblement devrait se tenir dimanche 9 avril, à Paris, au départ du métro Belleville pour rejoindre ensuite le domicile de la victime.