Après vingt-neuf ans de calvaire, Madame X est enfin libre. Un nouveau chapitre de sa vie peut enfin s’écrire: elle tient dans ses mains le guet que l’homme qui avait déjà tenté de l’assassiner, refusait de lui donner.
« C’est une délivrance pour moi. Je souhaiterais remercier toutes les personnes qui ont œuvré pour qu’enfin je puisse obtenir ce guet. Barbara, l’assistante du grand rabbin de France s’est véritablement battue pour moi, ainsi que Jeanine Elbouki de Strasbourg, le grand rabbin Korsia et maître Griguer. Quand on ne voit pas le bout du tunnel, c’est important de trouver des gens dévoués prêts à vous aider », explique-t-elle en exclusivité à Actualité Juive. Nous ne dévoilerons pas son nom mais son histoire qui mérite d’être racontée.
Tout commence en 1988, lorsque Madame X décide après un mariage malheureux, de divorcer. L’année suivante, son ex-mari tente de l’assassiner, ce qui lui vaut une condamnation à neuf ans de prison par la cour d’assises de Lyon.
Durant toute sa peine, celui-ci refuse de lui donner le fameux guet et lors de sa sortie, il s’évapore sans lui laisser d’adresse. Rappelons que, selon les préceptes juifs, une femme non divorcée religieusement ne peut pas refaire sa vie : toute relation avec un autre homme est donc considérée comme un adultère. Madame X finit par retrouver sa trace dans la région parisienne et fait appel au Beth Din de Paris, qui lui envoie plusieurs lettres de convocation, mais celles-ci demeurent sans réponse. Elle fait appel également au grand rabbin de France de l’époque, Gilles Bernheim, qui fait son possible pour aider cette femme en détresse. Le dossier se retrouve ensuite sur le bureau du nouveau grand rabbin, Haïm Korsia, qui s’était engagé durant sa campagne, à défendre le statut particulier des femmes « agounot ». Il demande de l’aide à maître Dan Griguer, qui accepte alors de défendre l’affaire gracieusement.
« Cela fait presque trente ans que toutes les démarches sont faîtes pour obtenir le guet, sans succès. Il a donc été décidé, lors de situations extrêmes, de saisir la juridiction civile pour demander des condamnations », complète-t-il.
Toute relation avec un autre homme est donc considérée comme un adultère
L’avocat plaide une jurisprudence de l’ancien article 13082, qui donne le cadre du principe général de responsabilité. L’ex-mari est donc assigné devant le tribunal de grand instance de Paris pour préjudice moral et atteinte à la liberté. En septembre 2016, la justice donne raison à madame X et condamne son ex-mari à lui verser
50 000 euros, à titre de dommages et intérêts. Le moyen de pression s’avère convaincant puisque, quelques mois plus tard, pris à la gorge, celui-ci décide enfin de donner le guet à madame X, après vingt-neuf ans d’attente, en échange de l’abandon des poursuites financières. « C’est un immense soulagement pour nous, explique le Rabbin Haïm Korsia. C’est le résultat d’une mobilisation collective mais aussi l’assurance que le rabbinat n’abandonne jamais ces femmes. Il faut une réprobation massive envers les maris qui refusent d’offrir le guet ». La victoire de madame X est un exemple pour de nombreuses femmes qui vivent cette même détresse, soumises au bon-vouloir d’un mari récalcitrant à leur accorder le guet et par lui, la liberté de refaire leur vie.