« Afghanistan ? No. Argentina ? Abstention. Australia ? Yes ». Cette litanie, déroulée d'une voix nasillarde par le président de l'Assemblée Générale des Nations unies et qui va durer de longues minutes, tous les Israéliens la connaissent jusqu'à aujourd'hui. Avant la déclaration d'Indépendance, c'est certainement le moment le plus fort, l'émotion collective la plus intense qu'aient vécus les habitants du futur Etat d'Israël. Ce 29 novembre 1947, les Etats membres de la toute jeune Organisation des Nations unies vont décider du sort du peuple qui réside à Sion. Dans ce qui est encore la Palestine mandataire, tous ceux qui le peuvent se sont regroupés autour des postes de radio et suivent fébrilement le déroulement du vote. Certains notent les suffrages au fur et à mesure. Chacun retient son souffle, jusqu'à l'explosion de joie qui répond au résultat du scrutin et à l'annonce de l'adoption de la résolution sur le partage de la Palestine, qui va entraîner la fin du mandat britannique et la création de l'Etat d'Israël.
Explosion de joie
Durant des jours, les rues du pays vont retentir des cris de bonheur, des danses et des défilés improvisés. Pourtant, chacun le sait déjà, le rejet du plan par les pays arabes signifie que la guerre est aux portes. Elle commence le lendemain, alors que les Anglais sont toujours là et laissent les Arabes lancer les premières attaques sans intervenir. Durant les mois qui suivent, c'est dans une euphorie mêlée de crainte que les Juifs vont se préparer à reprendre le contrôle de leur destinée dont ils ont été privés durant dix-neuf siècles, sans savoir si leur Etat ne sera pas balayé, avant d'avoir vu le jour. Il faut dire que ce plan composé par l'Onu portait en lui les germes de la guerre. Non seulement le refus arabe, mais le tracé de la carte annonçaient un Etat difficilement viable. Une maigre bande côtière, le nord-est de la Galilée, le désert du Néguev, des goulots d'étranglement pour l'Etat juif, Jérusalem isolée et sous contrôle international, tandis que tout le reste devait revenir au futur Etat arabe. Peu importe. Pour le Yichouv, l'essentiel était dans le vote, la reconnaissance de son existence et de sa future indépendance.
C'est à partir de ce dessin impossible que l'Etat d'Israël a réussi à s'imposer, à survivre et à se développer jusqu'à la guerre de 1967, puis aux accords de paix avec l'Egypte et la Jordanie qui ont donné au pays son tracé actuel. Le plan de partage de 1947 n'a jamais été appliqué. Les guerres successives se sont chargées de le rendre impraticable. 70 ans plus tard, Israël ne compte plus les condamnations dont il a fait l'objet à l'Onu, au point que certains estiment que même la majorité obtenue en 1947 ne serait plus possible aujourd'hui. Et pourtant, Israël est né de sa légitimation par la communauté internationale et a acquis sa place parmi les nations.