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02 Juin 2023 | 13, Sivan 5783 | Mise à jour le 04/08/2020 à 22h39

Rubrique Israël

André Neher : Jérusalem, du conflit à la rencontre

(DR)

Les perspectives de la semaine par Franklin Rausky, Universitaire.

«Juin 1967 : une guerre  éclate au Proche Orient. Elle oppose l’Etat d’Israël, isolé, menacé dans son existence, en proie à une profonde anxiété, à une coalition d’états ennemis, l’Egypte, la Syrie, l’Irak, la Jordanie. Au bout de six jours d’intenses combats, Israël sort victorieux d’une confrontation militaire où son destin était en jeu. Jérusalem, divisée par un mur de béton surmonté de barbelés entre 1949 et 1967, est réunifiée sous l’autorité israélienne. Pour la première fois depuis deux mille ans, la glorieuse Ville Sainte est gouvernée par  un état  juif souverain. 

   En France, certaines des plus éminentes figures de la pensée juive contemporaine partent s’installer dans la cité de David, pour écrire, enseigner et vivre dans un lieu où ils veulent participer, avec passion et intelligence, à la renaissance de la civilisation hébraïque dans son sol natal.

André Neher, Benjamin Gross, Théodore Dreyfus, Eliane Amado Lévy-Valensi, Léon Askenazi (Manitou) poursuivront, dans la capitale unifiée d’Israël, une immense et féconde œuvre créative, dans  un richissime carrefour où confluent la philosophie, la théologie, la Bible, le Talmud, la cabbale, le hassidisme, la pensée contemporaine, la psychanalyse, l’histoire, l’art, la littérature. Mais ils comprennent très bien que la « question de Jérusalem » n’est pas résolue par l’entrée des combattants de Tsahal dans la Vieille Ville de Jérusalem. Neher ne fait pas l’économie d’une réflexion sur la place de la cité de David  dans la civilisation universelle. André Neher reconnaît qu’il y a une « contestation, autour de Jérusalem surtout, entre le peuple juif, le peuple chrétien et le peuple musulman ». Loin de s’engager dans un argumentaire polémique, négateur des autres convictions, Neher admet que « cette contestation est inéluctable : l’amour du Christianisme et de l’Islam pour les Lieux Saints est un amour légitime ». La présence juive dans la Ville Sainte n’est pas, pour Neher, l’expression arrogante et triomphaliste d’un monopole israélite spirituel et religieux, dans l’exclusion des autres sensibilités, mais elle est fondée sur un projet de réunion pacifique et harmonieuse de tous les courants de la foi abrahamique, dans le respect réciproque et le dialogue sincère:

« Le Judaïsme considère précisément que sa tâche de rassemblement sur sa Terre et de création de l’Etat d’Israël est-entre autres-cette réconciliables des trois inconciliables, c'est-à-dire la rencontre des trois peuples bibliques, et de tous les hommes, à partir de leur altérité ».

Et le grand philosophe de Strasbourg, dans sa nouvelle demeure hiérosolymitaine, de rappeler, sans naïveté, avec lucidité, que ce projet de rencontre féconde entre toutes les sensibilités spirituelles à Jérusalem, n’a jamais vu le jour quand la ville était gouverné par des puissances étrangères, ottomane, britannique, jordanienne, indifférentes ou hostiles aux droits du judaïsme dans sa seule  cité sacrée :

« L’Etat d’Israël est  heureux et fier – et c’est l’un des sens les plus marquants de la réunification de Jérusalem-du fait que c’est seulement depuis juin 1967 que lorsqu’un homme est à Jérusalem il entend, le même matin d’automne, les cloches sonnant pour que les Chrétiens se rendent à l’église, la voix du muezzin appelant les fidèles à la prière, et le chofar marquant pour les Juifs le déroulement de la Prière ». Une pluralité qui n’avait jamais existé dans la ville trois fois millénaire et qui ne devient possible que grâce au projet de Thédore Herzl : Jérusalem, à la fois  capitale historique légitime de l’état juif souverain et métropole spirituelle de l’humanité. 

La vision neherienne reste inachevée : la nouvelle Sion est à construire, par la rencontre, dépassant les conflits. Un projet ambitieux et audacieux rêvé par Neher et qui reste à réaliser. 

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