30 juin dernier.
L'Organisation des moudjahidines du peuple d'Iran (OMPI) reçoit pour son
rassemblement annuel plus de 25 000 personnes et quelques têtes d’affiche
(comme Rudy Giuliani, l’ancien maire de New-York) à Villepinte près de Paris.
Ce mouvement, surtout présent en exil, est déterminé depuis longtemps à obtenir
la chute du « régime des Mollahs ».
Début juillet, on apprend qu’un
attentat a été déjoué ce jour-là : deux Belges d’origine iranienne sont
interpellés dans les environs de Bruxelles avec dans leur voiture, un système
de mise à feu et près 500 grammes d’un explosif très puissant. Dans un premier
temps, les autorités françaises restent discrètes : elles demandent des
explications à Téhéran… des explications qui ne viennent pas ! Dès lors, Paris
décide de rendre publique l’accusation : ce sont des officiels iraniens qui ont
tenté d’organiser un attentat terroriste contre le mouvement d’opposition
iranien sur le sol français.
Même si la nouvelle est
d’abord lancée par une « source diplomatique française » – suffisamment anonyme
pour éviter une escalade immédiate et irréversible –, elle fait l’effet d’une
bombe ! Il faut dire que l’accusation ne laisse pas de place à l’interprétation
: « Une enquête longue, précise, détaillée de nos services (…) permet d’arriver
à la conclusion sans ambiguïté de la responsabilité du ministère du
Renseignement (d’Iran, NDLR) dans ce projet d’attentat », explique les autorités
françaises. Et, de fait, des mesures de rétorsion sont prises puisque la France
a annoncé le gel des avoirs en France, pendant six mois, du ministère iranien
concerné, ainsi que de ceux de deux citoyens iraniens soupçonnés d’être les
organisateurs directs de l’attentat avorté : Assadollah Assadi, arrêté en
Allemagne au mois de juillet dernier (voir sa présentation dans les pages
suivantes), et Saied Hashemi Moghadam, sans doute à l’abri, lui, compte tenu
des hautes fonctions qu’il occupe au sein du ministère du Renseignement
iranien. La chaîne israélienne Aroutz 2 a révélé le 19 juillet dernier que c’est
le Mossad qui a averti les services secrets français de la possibilité de cet
attentat.
Le Premier ministre israélien,
Binyamin Netanyahou, avait d’ailleurs fait allusion à cette collaboration dès début
juillet : « L’Iran a planifié une attaque terroriste sur le sol français. Ce n’est
pas une coïncidence si cette attaque a été contrecarrée ». Pour Israël, c’est
une nouvelle preuve qu’il n’est pas possible de faire confiance à l’Iran et qu’il
convient de rejeter l’accord nucléaire de 2015 (à l’instar de la position prise
par Donald Trump). Mais la France veut pourtant essayer de conserver une
position équilibrée, d’où sa relative prudence : les sanctions ont bien pour rôle
d’envoyer le message que l’acte est très grave et ne saurait rester sans réponse
; « en même temps », la diplomatie française veut continuer à dialoguer avec Téhéran
– et il n’a jamais été question de rompre les relations diplomatiques entre les
deux pays. Le 2 octobre dernier, les ministres français des Affaires étrangères,
de l’Economie et de l’Intérieur signent un communiqué étonnamment sobre : « L’attentat
déjoué à Villepinte confirme la nécessité d’une approche exigeante dans nos
relations avec l’Iran ». Si la
France veut limiter les effets de la crise avec l’Iran, c’est qu’elle entend
sauver l’accord nucléaire pour lequel elle a tant œuvré – et auquel elle croit
encore – et qui avait ouvert la voie au rétablissement des relations
diplomatiques et commerciales entre l’Iran et l’Union européenne (donc la
France).
Ce sont des officiels iraniens qui ont tenté d’organiser un attentat terroriste
Or, l’attentat déjoué l’affaiblit indéniablement dans son rôle d’avocat face aux Etats-Unis et à Israël qui ne cessent d’affirmer qu’il n’est pas possible de faire confiance à l’Iran.
De fait, l’image de Téhéran est considérablement dégradée suite à cet épisode (même si, selon le Quai d’Orsay, il semble que la décision n’ait pas été prise par Hassan Rohani, le président de l’Iran, dont on ne saisirait pas bien les motivations, mais par des opposants ultra-conservateurs qui auraient investi le ministère du Renseignement). Téhéran a d’ailleurs également tout intérêt à rester en bons termes avec Paris – ce qui explique la mollesse de sa réaction – afin de préserver cet accord nucléaire. La France y voit un enjeu global : la stabilité du Moyen-Orient. Inquiète de la politique balistique iranienne (« non maîtrisée » selon les mots d’Emmanuel Macron), perçue comme une menace à moyen terme, la France souhaite sauver l’accord nucléaire tout en y intégrant cette question. Ce serait le moyen de régler tous les paramètres d’un coup d’un seul. Evidemment, cette position est loin d’être partagée par les Etats-Unis qui ont décidé de rétablir des sanctions économiques très sévères à l’égard de l’Iran en août dernier ; ou encore, par le Premier ministre israélien qui considère que les gouvernements européens font preuve d’une complaisance coupable vis-à-vis de l’Iran. Pour l’instant, la France a décidé de ne pas les écouter…