Le spectacle des actualités télévisées israéliennes est une épreuve quotidienne pour le moral du téléspectateur. Ce n'est que mises en accusation, « affaires » du couple Netanyahou, révélations de la corruption de maires, dénonciations de cas de racisme, etc. Le duo médias-justice fonctionne à plein rythme et il s'est emparé de l'espace public. Plus de secret d'instruction. Le Premier ministre - et son épouse - est l'objet d'une véritable traque, et chaque jour elle fait la Une. La haine du Likoud est massive dans les milieux des médias et plus généralement d'une grande partie des élites. Mais Netanyahou bénéficie d'un soutien populaire solide - évidemment « fasciste » - précisément parce qu'il est traqué et que cette traque est comprise comme plus profonde que sa portée politique. On a même entendu ces derniers mois un général mettre en garde sur le danger de fascisme en Israël.
Quant au spectacle des partis, c'est la recomposition générale et les coalitions tous azimuts. Le parti travailliste est pulvérisé. La droite a éclaté avec la fondation du nouveau parti de Benett. C'est au centre que cela bouillonne avec les ex-généraux qui croient avoir un destin national et qui viennent déloger le parti Yesh Atid qui occupait ce créneau. Ce n'est pas une surprise car de tout temps, le centre a été le ventre mou du système politique israélien. Il y a quarante ans le Dash d'Yigal Yadin était monté aussi vite en flèche qu'il avait disparu. Ce fut plus tard le Parti Kadimah, puis Yesh Atid et maintenant Hossen Israel, hier inexistant, aujourd'hui deuxième parti en importance sur le plan de l'électorat.
Cette atmosphère me rappelle irrésistiblement les mois qui précédèrent la fin de la présidence Sarkozy. Quand on voit les résultats macroniens de cette traque invraisemblable du chef de l'Etat, on se prend à craindre beaucoup pour Israël, car le Macron israélien existe, c'est le général Gans et ce qu'il laisse entrevoir de son incompétence ne lasse pas d'inquiéter pour l'avenir. Ex-chef d'état major qui n'a pas laissé un souvenir brillant de son passage à la tête de l'armée - on se souvient de son appel à aller cueillir les coquelicots alors que la guerre de Gaza n'était pas encore terminée - il reste un inconnu sur le plan du programme et des idées en général. Son agence de publicité lui a conseillé de ne pas ouvrir la bouche le plus longtemps possible dans l'espoir de permettre toutes les projections et les attentes possibles envers un personnage neuf dans le domaine de la politique. Puis, avec quelques expressions savamment calculées, ses deux ou trois prises de positions montrent qu'il vise la gauche et le centre gauche.
Le plus étonnant par rapport au passé c'est qu'on croit entendre dans ses rares prises de position les mêmes attentes qu'avant Oslo, comme si rien ne s'était passé depuis. Il y a donc dans le public israélien encore une grande naïveté face à l'ennemi (si toutefois il en reste un aux yeux de ces Israéliens). Prêts à retomber dans la même impasse et à échouer sur toute la ligne sur le plan international. Le plus étonnant c'est que cette politique fut toujours le fait de généraux, situés plutôt à gauche: de Rabin (Zl) qui, selon moi, aurait sans doute tiré des conclusions rapides de la trahison d'Arafat et de l'OLP installés au désavantage d'Israël au cœur du territoire israélien, jusqu'à Barak auquel Arafat refusa les 99% de la Judée-Samarie qu'il était prêt à lui céder.
On est en droit de se demander si l'art de la guerre implique nécessairement un art de la politique. Remarquons aussi que personne ne se lèvera pour dire que l'accès au pouvoir d'un ex-général - s'il est à « gauche » - est un signe de fascisme, comme on le dit couramment du Likoud et de Netanyahou, dont le gouvernement légal autant que légitime est presqu'exclusivement composé de civils. Le trait en question doit être fortement souligné car le nouveau parti aspire à aligner une brochette de trois généraux, avec le général Yaalon et le général Gaby Ashkenazi. C'est là qu'est la question.